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AVANT ACCIDENT

posté le 27-07-2008 à 20:54:17

Tu me raconteras ?

- Alors ? C'est demain le grand voyage ?

- Oui mémé. Tiens ton plateau. Attention, la ratatouille est très chaude.

- Tu me raconteras ?

- Oui, mémé.  Elle s'assit au bord du lit. D'abord, nous partirons pour Marseille. A 16heures. Nous arriverons vers 20 heures. Demain, nous préparerons les bagages. Nous nous reposerons avant d'aller à la gare. Le train partira à minuit. Nous serons chez les parents de papa après 20 heures de voyage. Après...je sais pas. J'y suis jamais allée. Mais, promis. Je te raconterai tout au retour. Bisous ! Je vais marnger. A t'à l'heure !


Nanette était excitée. Elle allait connaître un nouveau moyen de transport. Des pieds elle était passée au car, avec l'exil en ville. Demain, elle utiliserait le train. La distance était plus importante.

Que les préparatifs étaient fastidieux ! Que l'attente était longue !...

Enfin, la gare ! La file au guichet des billets. La cohue. Le positionnement sur le quai.


- On monte pas dans le train ?

- Non. Ce n'est pas le nôtre. Celui-là va partir. Un autre arrivera. Ce sera le bon.

- Tu nous fais toujours arriver trop tôt ! Regarde l'horloge. Le départ est dans une heure !


A chaque arrivée ou départ de convoi, les quais et les vitres tremblaient. Le grand préau se remplissait d'une fumée puante qui déposait une poudre grisâtre sur béton, bagages, passagers...saisissait la gorge. Faisait tousser.


- Il arrive quand notre train ! On part quand ? J'ai mal aux jambes !

- Tiens, assieds-toi sur la grande valise.

 

L'enfant fut calée sur la grosse valise, adossée à un pilier. Elle écarquillait les yeux. Fatiguée. C'était pas beau une gare. C'était sale. Ca puait. Plein de gens qui courent dans tous les sens. Des wagons qui attendent. Des employés qui travaillent. Mais à quoi ? Des locomotives hurleuses et cracheuses qui s'amusent à aller-venir...Puis se décident à accrocher une file. Partir. Jamais leur train !

 


 
 
posté le 28-07-2008 à 05:49:00

On est arrivé ?

- C'est quand qu'on part ?!

- Retourne t'asseoir. Notre train a du retard. Nous partirons vers une heure.


Elle regagna son siège de fortune.

La gare continua d' offrir le même film d'un assourdissant et sale scénario.

Elle avait mal au coeur. Ses yeux picotaient.

Enfin ils partirent !

Elle s'endormit bercée-secouée par les roulements de la machine sur ses rails grinçants.

Une violence secousse la réveilla brusquement.

 

- On est arrivé ?

- Non. Nous sommes dans une gare de triage. Nous changeons de train.

 

Une heure plus tard le voyage reprit. Fourbue, elle s'écroula de sommeil.

 

- On est arrivé ?

- Non. Pas encore. C'est le matin. Tu as faim ?

- Je sais pas. Les WC ?

- Attends que je prenne la trousse de toilette. Il faut te débarbouiller. Laver les mains.


Elle se redressa pleine de courbatures. Les banquettes en bois des 3ème servaient un confort imaginaire aux nouveaux bénéficiaires des congés payés.

Le couloir, vide au départ, était bondé. Elles prirent leur tour. La petite cabine était glacée. Encore plus bruyante et secouée que les compartiments. Tout fut vite fait.

Des heures après une voix hurla " Montluçon ! Tout le monde descend !"


- On est arrivé ?

- Non. Nous prenons une micheline.

- On arrive bientôt ?

- Dans quatre heures, au terminus. Dans six heures chez les parents de papa.

- Oh non !

 

Ils n'arriveraient donc jamais ! 

 


 
 
posté le 28-07-2008 à 10:20:09

Terminus ! Tout le monde descend !

La micheline présentait l'avantage de vitres larges. basses. Bien ouvertes sur l'extérieur. La voyageuse décida d'admirer le paysage. Elle ne connaissait pas la montagne. Les vallons escarpés où gambadaient des torrents. Où des bois se miraient dans de petits lacs. Parfois un troupeau de vaches ajoutait quelques taches blanc-caramel ou mouchetées sur les camaïeux de verts. L'ensemble était ravissant.

 

- On arrive bientôt !

- Dans deux heures. Tu verras bien !


Le père lisait. La mère dormait. Elle se recolla à la vitre.

La micheline avançait lentement. Serpentait entre les tunnels. S'arrêtait dans toutes les gares. Les gens montaient, descendaient à chaque arrêt. Eux restaient.

Enfin une voix cria " Terminus ! Tout le monde descend !" .

OUF ! Enfin ! Elle se leva. Sortit en titubant entre les deux adultes chargés. Portant sa petite valise en carton, contenant son cahier de devoirs de vacances.

 

- Joseph !

- Ma p'tit' soeur ! Alors comment vas-tu ? Et la mère ? Le père ? La famille...

- Bonjour. Nous avons soif. Quelle chaleur !

- Tante...

 

Ils allèrent au comptoir de la gare. Elles prirent un diabolo-menthe. Mais, surprise...les père-tante, comme les autres au comptoir, demandèrent "un petit blanc". C'était la première fois qu'elle voyait se désaltérer avec du vin. Chez eux le vin était réservé aux repas. Les grands, l'été, l'après-midi, prenait un pastis...plus ou moins "noyé"...les femmes préférant souvent un vin de noix maison...Fallait s'en souvenir pour mémé.

 


 
 
posté le 28-07-2008 à 13:43:08

T'as apporté quelque chose ?

- Dépêchons-nous ! Le car va partir. J'ai bien dit au petit-Jean d'attendre. Que Joseph venait deux semaines au pays...mais.. Il est content de te revoir !


Nouvelles embrassades. Rires. Souvenirs.

Enfin le car démarra.

Enfin le car s'arrêta en pleine campagne pour les laisser descendre. Repartit.

Devant une longue bâtisse, à l'extrémité ouest, des petits enfants jouaient au pied d'un énorme tas de sable.

 

- Maman !

Deux gamins s'élancèrent vers la tante.

- T'as apporté quelque chose ?

- Tout à l'heure. Dites bonjour à votre cousine.

Tous se regardèrent. Intimidés.

- Pas d'inquiétude. Ca ira mieux demain. Quand ils auront fait quelques bêtises ensemble !

 

Un enfant continuait à remplir une boite de sardine avec du sable mouillé. A faire des pâtés.

- Alors Pierre ! Tu ne dis pas bonjour à ton papa et à ta maman ...

Les parents s'approchèrent. Déçus. Lui continuait son château. Il  était bien, depuis deux mois, avec des enfants de son âge. Passant des heures, libre, dehors.

 


 
 
posté le 28-07-2008 à 18:03:18

"J'arrive au bon moment"!

La grand-mère apparut.

Le père se dirigea rapidement vers elle. L'étreinte fut longue. Silencieuse.

- Alors mon grand...tu vas bien ?

- Tu vois maman, solide comme un roc !

- Présent' moi donc la petit'.


Nanette s'approcha, serrant la main de son père. C'était la première fois qu'elle voyait une femme avec les cheveux tout blanc. TOUS ! D'un blanc propre et brillant. grand-mère du midi avait un chignon gris. Comme mémé.

 

- N'sois pas timid'...j'vais pas t'manger !


L'enfant serra plus fort la main du père. Ne la quitta pas en posant deux baisers appliqués sur les joues ridées.

 

- Entrez-donc vous désaltérer. Ensuite nous ferons manger les enfants. Nous les coucherons. Nous aurons toute la soirée pour parler.


Ils s'instalèrent, coté bistrot, dans l'immense séjour campagnard divisé en deux zones.

Une gigantesque armoire-glacière en bois recouvrait 2/3 de la cloison de séparation avec la cuisine privée. Cette moitié de la salle d'entrée était réservée au bar. L'autre moitié montrait des rayonnages divers, un comptoir avec balance...c'était l'épicerie-primeur.

La patronne sortit une bouteille de limonade et une de bière pour que les grands se confectionnent des panachés. Puis, comme c'était un instant de fête, un "Verigood" fut distribué aux enfants ; qui purent choisir "citron" ou "orange".

 

- J'arrive au bon moment ! Assieds-toi auprès de ton aîné Aimée. J'apporte les verres.


Immédiatement Nanette fut séduite par la jovialité de ce robuste géant.

Il apporta les verres. Embrassa tout le monde. Les Verigood furent bus à la paille par les enfants, C'était une première pour elle.

Nanette sentit sa conscience se retirer...Les sons devinrent cacophoniques...puis incompréhensibles. Inaudibles.

 


 
 
 

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