http://leto.vefblog.net/

  VEF Blog

AVANT ACCIDENT

posté le 01-08-2008 à 09:17:51

Après la pluie...

Après la pluie...le beau temps.

 

Le père prit la décision, pour améliorer les conditions de la vie familiale, de reprendre ses études. But : devenir officier de la marine marchande ; puisque sa femme l'avait empêché de faire carrière dans la Royale. Que d'années perdues !

Recommandé par l'un de ses chefs, aidé par un parent qui connaissait le Directeur du Port Autonome et répondait de lui, bien qu'il n'ait pas le dipôme requit pour l'inscription, il entreprit de retourner sur les bancs étudiants.

 

Nanette était heureuse de l'avoir "tous les soirs" à la maison.Tant pis si, parfois, il était en colère, ne pouvant obtenir le silence nécessaire à sa concentration ou en voyant sa femme tournoyer autour de lui.

Elle cherchait à discuter.

Il devait recopier ses cours "au propre". Apprendre. Faire des exercices. Des croquis de machines ou de pièces.

 

La mère était fière d'entendre qu'ayant quitté l'école à  14 ans, avec un Certificat d'Etude obtenu l'année précédente, il entrait en concurrence avec de jeunes bacheliers.

Lui aurait souhaité poursuivre ses études. Etre aviateur. Mais il était l'aîné de quatre provinciaux. Dans une époque sans sécu, sans allocations familiales.

 

A présent, il lui fallait apprendre la théorie d'un métier qu'il pratiquait depuis des années. L'application était la matière la plus facile ! Mais la théorie...lui qui n'avait jamais fait d'algèbre. Apprendre à plus de 33 ans. Avec deux enfants et une femme à charge. Dans un logement confetti...Dur ! Dur ! DUR ! 

 

 


 
 
posté le 01-08-2008 à 11:54:25

Un bisou rapide...

La petite fille se glissa hors de sa paillasse. S'appuya sur la cloison. Pencha la tête pour voir son héros. Le père était courbé sur une boite vitrée, lumineuse, de sa fabrication, crééé pour la copie rapide de croquis énigmatiques d'énormes moteurs de machines...

Ensuite, comme chaque soir, il recopiait sur un grand cahier cartonné les cours, griffonnés rapidement toute la journée, afin de capter toutes les paroles des maîtres. Ne rien perdre. Recopier aussitôt rentré à la maisoon pour ne rien oublier. Travail fastidieux, qui permettait une bonne mémorisation.


-  Je t'ai vue Nanette ! Vas vite te coucher avant que je me lève te donner une fessée !

La voix chaude, affectueuse, contredisait la menace.

 

-  J'y vais tout de suite !

Elle s'approcha. Un bisou rapide. Paillasse.

Finalement  cela pouvait avoir des avantages de ne pas être dans la chambrette. Elle était plus près de lui.

Elle reprit ses pensées.

Qu'il était courageux ! Combien de fois entendait-elle les autres murmurer qu'il était fou ou prétentieux de vouloir retourner à l'école. A son âge !  Avec une femme et deux enfants à charge.  Dans ces conditions...

 

A la maison, on se serrait encore plus la ceinture. Mais...elle était plus contente. Son papa était-là. Heureux d'apprendre. Malgré quelques soirées de doute ou d'appréhension... Apprendre. Découvrir. Faire par soi-même...

 

Elle bénissait-maudissait les trajets carton-de- pommes-de-terre et bonbonne mensuels.

Grâce à eux, le père pouvait étudier. Si les menus étaient monotones : pommes-de-terre sous toutes leurs possibilités, confiture de pastèque maison,.. pudding de pain rassis bourratif le dimanche....

L'atmosphère familiale était plus équilibrée...

 


 
 
posté le 01-08-2008 à 16:22:57

Qui ment ?

Cette rentrée-là vit trois nouveautés.

Le père à l'école d'hydrographie des officiers.

La mère acceptant de l'accompagner à la messe pour qu'elles demandent au Seigneur de le faire réussir.

Ses débuts d'instruction au cathéchisme, pour préparer la Confirmation.

 

Deux fois par semaine l'écolière quittait en courant l'école. Arrivait essoufflée au bout du boulevard de la Corderie. S'asseyait, parfois avec un "point de côté", sur un des bancs de la nef accueillant l'éducation donnée par le père Jean. Elle était quasiment la seule à ne manquer aucune leçon. Réponses aux questions sur les acquis précédents obtenues, le prêtre poursuivait leur formation chrétienne.

 

Ce midi-là, Nanette attendait, frigorifiée par un Mistral hivernal handicapant, que le père monte les quelques marches d'escaliers, derrière la Basilique, pour rejoindre le presbytère.

 

-  Ben !  Que fais-tu là ? Dépêche-toi d'aller déjeuner chez toi ; avant de retourner à l'école.

-  Père Jean, je voudrais vous poser une question. Grave...

-  Fais vite.

-  Pourquoi les apôtres, dans les évangiles, ne rapportent-ils pas pareillement la même scène ? Qui ment ?


Elle le regardait droit dans les yeux. Tristement interrogative.

Le jeune prêtre, grand blond malingre et souffreteux, la regarda un instant, étonné. Puis sourit gentiment. Lui prit la main.

 

-  Regarde. Tu vois cette voiture ?

Une traction-avant noire stationnait au bord du trottoir. Elle le regarda, étonnée à son tour. Que venait faire cette auto dans les paroles apostoliques...

- Eh bien, l'un des apôtres était devant, à droite. Il a décrit la situation en voyant cette partie. Il l'entraîna de l'autre côté du véhicule. L'autre était assis à l'opposé. Il a raconté la situation qu'il voyait de sa place...


-  Alors, aucun n'a menti ?!

-  Aucun. Rentre vite !

-  Au revoir. Merci père Jean !


Nanette était soulagée. Il n'y avait pas de menteurs parmi les apôtres !

Elle arriva trop tard pour le repas. Se fit gronder par sa mère ; qui lui remit une tranche de pain avec une banane. Pas grave.

Ouf ! Il n'y avait pas de menteur parmi les disciples de Jésus Christ !

 

 


 
 
posté le 01-08-2008 à 20:44:17

Le Mistral !

Le Mistral ! Nanette n'aimait pas le Mistral. A cause de lui le temps méridional était glacial l'hiver. Pourtant les adultes l'appréciaient. Il chassait les nuages. Permettait un ciel clair. D'un bleu lumineux. Elle, pestait. Il fallait lutter pour garder les jupes sur ses jambles bleuies par le froid piquant. Les garçons avaient de la chance. Ils portaient des pantalons.

 

-  Nanette, finis vite tes devoirs, et, au lit. Demain on doit se lever à 4heures 30.

-  On va chez le primeur ?

-  Non. Nous irons à la fête de la Vierge Noire.

- Celle annoncée dimanche à la messe ?

- Tu ne vas pas faire lever cette gosse si tôt ! De nuit. L'hiver. C'est pas raisonnable. Puis il y a écolel...

-  Oh, si, papa ! Je voudrais y aller !

-  Tu vois. C'est pas une corvée.


Le Mistral cinglait leurs joues. Elles avançaient péniblement. Luttant à contre-courant. La porte de la Basilique était fermée. Personne.

 

T'es sûre que c'est le bon jour ?

-  Mais oui.

-  Ca ouvre à quelle heure ?

-  La messe est dans une heure.

-  Oh non ! non !

-  T'inquiète pas. on ouvrira avant. Je me suis renseignée. Il y a foule. Beaucoup de fidèles restent debout pendant la cérémonie. Je veux être assise dans la nef. Bien placée sur les bords. Pour voir la Vierge.


 

 


 
 
posté le 01-08-2008 à 21:47:38

Dieu merci la mère était gourmande.

Elles attendirent plus d'une demi-heure, aux portes de la Basilique, avant que d'autres habitués ne prennent leur tour. Un quart d'heure avant l 'ouverture la queue atteignait la boulangerie installée à l'autre bout de la ruelle du port.

 

Enfin elles entrèrent.Cyanosées. S'assirent. Les voisines de banc avaient un petit cierge blanc à l'extrémité verte.

-  Maman, tu devrais aller chercher deux cierges. Pour bien prier pour papa.

-  Garde ma place.


En moins de cinq minutes la Basilique fut remplie. Les officiants allumèrent toutes les appliques, lustres, cierges d'autel.

Jamais Nanette n'avait vu le choeur, devant lequel elle apprenait son catéchisme, aussi flamboyant de lumières et de fleur.

 

Une heure et demie après leur arrivée, la cérémonie commença.

Eblouissement de chants grégoriens, accompagnés du tremblement des cierges individuels, pleurant leur cire blanche marbrée de vert sur des mains insensibilisées par le froid. Les croyants en bordure des travées touchèrent timidement la splendide robe de la Vierge Noire, lorsqu'Elle passa à leur côté...en balbutiantt leur voeu.

 

Cette foule, féminine, paraissait à la fois croire et solliciter désespérément la réalisation d'un souhait vital.. Ce fut un enchantement de ferveur populaire, avec des psaumes mélodieux, réunissant les voix de tous dans un décor scintillant...

Comme un beau rêve.

 

La cohue de la sortie ramena tout le monde à la réalité.

Il faisait encore nuit.

 

Une odeur appétissante entraîna une autre course. Attente. Le boulanger fut prit d'assaut par une foule affamée. Tentée par ses odorantes navettes.

 

Dieu merci , la mère était gourmande. Elle acheta quatre grandes navettes en pâte fraîche, (rappelant celle des brioches, mais avec un autre parfum), et un kilo de petites navettes sèches, dures, croquantes pour le dessert dominical.

Hum ! Que c'était bon de manger quand on a faim ! Qu'il fait froid ! Dans la nuit...

 


 
 
 

Ajouter un commentaire

Pseudo : Réserve ton pseudo ici
Email :
Site :
Commentaire :

Smileys

 
 
 
Rappel article