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AVANT ACCIDENT

posté le 22-07-2008 à 21:32:41

PENDULE...NANETTE A-T-ELLE ETE SAGE ?

Clac ! Clac ! Clac !

- Nanette monte. Mémé appelle.

- Laisse la terminer sa fougasse !

 

Le grand-père prenait parfois la défense de la gamine corvéable à merci.

- Un jour elle va casser sa canne, à taper ainsi.

 

Femme énergique. Dynamique. Veuve à 24 ans. Jamais remariée. Toujours vêtue de noir. Ayant survécue à trois guerres. L'aieule souffrait de son immobilité. De son isolement. Une vie de dévouement à son fils unique. Sa petite-fille. Les deux petits de cette dernière. Dans le respect des dix commendements de Dieu. Elle s'acheminait vers son dénouement, adouci par l'affection inconditionnelle de Nanette. Supportée par une foi profonde entretenue avec des chapelets et des neuvaines quotidiens.

 

J'y vais pépé. Mais...gardez-moi ma part !

Nanette grimpa la trentaine de marches conduisant à la chambre bleue, où résidait l'impotente.

 

-  Tiens. Prends l'assiette. Assieds-toi un peu près de moi. Je vais demander au pendule si tu as été sage ce-matin.

Les longs doigts  noueux saisirent une longue chaîne en argent, retenant une montre, posée sur la table de nuit.

- Aide-moi. Que je me cale dans les oreillers pour ne pas glisser. Bouger. Bien.

Les bras frêles collés au corps décharné ; l'avant-bras pointé vers le ciel ; la main perpendiculaire crispée, l'aïeule respira longuement. Regarda la petite.

- Dis-moi Pendule, Nanette a-t-elle été sage ce-matin ?

 

Un regard attentif suivait le rituel de la questionneuse.

 

- T'as bougé !

- Mais non.

- Si. T'as bougé la main !

- Mais non. D'ailleurs l'esprit me dit que tu as été sage. Que tu aimerais finir ta fougasse. Allez. Vas-y ! Attends ! Descends aussi les couverts.

 

Nanette revint prendre le plateau. Descendit en courant.

 

- A t'a l'heure mémé !

 

<:AtomicElement>(A suivre)

 


 
 
posté le 23-07-2008 à 06:46:26

LA FOUGASSE AUX ANCHOIS ...

Car la fougasse aux anchois préparée par le grand-père maternel...Ca c'était divin ! Un des rares repas où Nanette réclamait sa part.

<:AtomicElement> 

Ces journées d'été étaient simples mais heureuses.

D'abord le grand-père, demeurant quelques maisons en amont, arrivait tôt le matin. Deux grandes plaques en fer dans une main. Un sac dans l'autre. Plaques posées, il sortait les ingrédients du sac. Bocal d'anchois au sel. Bouteille de SON huile d'olive. Un pot de SES olives noires. Faillait ouvrir, nettoyer les poissons. Puis, tandis qu'il les écrasait au pilon, Nanette faisait du goutte à goutte avec le précieux liquide. Quand la garniture atteignait la consistance et le volume désirés, pépé étalait le pâton sur les plaques huilées recouvertes d'une fine couche de pâte à pain achetée plus tôt au fournil. Quelques pincées d'herbes de Provence. Parts anticipées grâce aux dispositions des olives..

L'oeuvre était prête.

Alors,  "fiers comme Artaban", ils amenaient piétibus leur merveille au fournil du boulanger qui leur faisait cuire pour midi, après ses fournées du matin. Ensuite, souvent pépé descendait au village prendre l'apéro avec des vieux de sa classe. Nanette restait au fournil.

Elle aimait voir l'artisan travailler. Surveiller ses pains à travers la vitre du four à bois.Choisir les pelles convenant aux différentes préparations. Pétrir. Former. Fariner. Cisailler. Sortir la précédente, et enfourner la suivante . Ranger.

Et quelle odeur ! Quels chants de la croûte qui gonfle. Se dore. Eclate. Prévient :

" Je suis prête. Sortez-moi ! Voyez comme je suis appétissante ! Posez-moi au centre de votre tableBénissez-moi ! Je ressusciterai demain..."

<:AtomicElement> 

On était loin de l'odeur nauséabonde de la rue de l'ancienne savonnerie. A cette pensée Nanette frissonna de déplaisir.

Bientôt la rentrée.

Dans une semaine la Grande Ecole !

Plus près de la maisonnette. Donc dans la triste rue de ce pauvre quartier paisible. Où l'usine désaffectée avait laissait son intempestive empreinte.

 


 
 
posté le 23-07-2008 à 11:36:36

Il y a pire que la rentrée !

Cette année-là Nanette apprit qu'il y a pire que la rentrée...la préparation de la rentrée ! Sa mère lui fit faire tous les magasins de chaussures de la grande ville. Essayer des souliers. Noter les prix. Revenir au "meilleur marché".

 

- Madame ?

- Je viens pour la paire de chaussures vue mardi dernier. Celle à vingt francs.

- Quel modèle ? Montrez-moi dans la vitrine....Toutes les paires de ce modèle ont été vendues.

-  Avez-vous un modèle équivalent ?

-  Asseyez-vous, je vais voir en réserve.

 

Elles s'assirent dans un coin. Le vendeur revint quelques minutes plus tard. Caché par une pile de boites. Essayages. Indication de prix. Veille de la rentrée. La mère devait faire un choix.

 

- Tiens-toi droite !...Vous n'auriez pas la taille au-dessus ?

- Mais, madame, regardez au contrôle visuel. C'est la bonne pointure.

- Je préfère la taille au-dessus. Elles doivent faire trois ans.

 

C'est ainsi que toute son enfance l'écolière fut mal chaussée.

La première année son pied s'élargissait-nageait dans ses souliers bourrés de coton.

La deuxième année le cuir avait pris une forme blessante.

La troisième année ses orteils se recourbaient douloureusement à la pointe de grole finissantes.

 

Cependant, raisonnable, Nanette comprenait très bien les problèmes financiers dont se plaignait continuellement sa mère. Ce qu'elle appréciait moins c'était d'être la seule écolière de la classe à être accoutrée d'une pèlerine sombre sombre. Toutes les autres avaient des imperméables avec de vraies manches. Leur corps était bien enveloppé. Leurs mouvements pas entravés.

 

(A suivre)

 


 
 
posté le 23-07-2008 à 13:56:11

TU NE PEUX PAS RESTER CHEZ TOI !

Cet hiver-là l'écolière apprit la valeur du terme " rigoureux" !

 

Rigueur du temps. Hiver 54...

Corps frigorifié. Pieds gelés. Mains cyanosées. Hantise de la chute.

 

Rigueur de l'esprit. Regards assassins de la maîtresse d'astreinte qui ne manquait pas, chaque jour, de lui demander pourquoi sa maman l'envoyait :

- Tu ne peux pas rester chez toi ! Tu vois bien que tu es la seule à venir !

Pourtant elle n'était pas difficile...passant toutes les heures à lire les ouvrages enfermés dans la bibliothèque de la classe.

 

Rigueur du coeur. Un coeur assoiffé de tendresse qui rentrait seul à la cage. Se cachait presque aussitôt le repas terminé sous la couverture de la paillasse, dans le recoin du sas ; tandis que mère et bambin dormaient dans la chambrette. Douloureuse solitude. Ni mémé. Ni papa.

 

Fallait survivre à ce désert affectif.

Alors, dès que son corps s'était réchauffé, que les mortifications de la journée étaient digérées, Nanette prit l'habitude de penser. Recréer le monde.

 

Un jour...

Son père resterait chez eux. Ils habiteraient une vraie maison. Dans une vraie nature. Mémé vivrait avec eux, aurait sa chambre.

Tous les enfants mangeraient à leur faim ; ce qu'ils voudraient.

Toutes les écolières porteraient de jolies robes ; avec des couleurs gaies.

toutes les maîtresses seraient gentilles avec les petites filles seules en classe ; s'occuperaient d'elles au lieu de les gronder.

Tous les clochards auraient une habitation et ne mouraient plus dans les rues...

 

Bras repliés sur ses oreilles, pour atténuer les bruits de la rue, elle s'endormait enfin. Pelotonnée comme un petit chat dans sa corbeille. Inventant un monde meilleur.

 

(A suivre)

 


 
 
posté le 23-07-2008 à 16:09:09

NANETTE AVAIT PEUR DE CETTE MEGERE...

Enfin le printemps !

Les classes retrouvèrent leurs élèves. Les maîtresses leur sourire. Les rues leurs passants. La vie monotone reprit...

 

Les dimanches, assis sur une vieille couverture mitée, le petit frère jouait avec une boite de cubes.

La mère préparati une purée avec  les pommes-de-terre envoyées par colis, via le car effectuant la navette village natal-ville domicile.

La fillette feuilletait le vieux dictionnaire donné par mémé. Les croquis retenaient toute son attention ; puis elle lisait  des définitions, choisies à l'aveuglette.

La minuscule piécette était silencieuse afin de ne pas provoquer les griefs de la voisine du dessous. Celle-ci, ou l'une de ses deux filles, frappait au plafond en hurlant des injures au moindre déplacement dans la pièce.

 

Nanette avait peur de cette mégère.

Tellement qu'elle se retenait au maximum d'aller aux toilettes. Des W.C. étaient en commun, au rez-de-chaussée ; à l'entrée du petit couloir desservant les deux appartements autrefois attribués aux employés de la savonnerie.

Chaque fois que la famille s'en servait, les harpies sortaient de leur logement. Secouaient les portes des commodités. Ebranlaient toutes les fines cloisons. Proféraient des insanités.

 

Nanette se demandait comment des femmes pouvaient être aussi méchantes avec trois personnes qui  étaient polies avec elles. Ne leur faisaient rien.

 

(A suivre)

 


 
 
 

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