Cette année-là l'automne fut fertile en rebondissements. Le père perdit son emploi. La mère se plaignait de nausées. L'âïeule confia ses économies à sa petite-fille pour que le couple se lance dans une association avec un garagiste installé dans la cité natale.
Nanette était désolée. Mangeait de moins en moins. Faisait angine sur angine. Les grands ? Toujours énervés. Toujours occupés à chercher des cartons. A faire des paquets. Elle était invisible. Les soirées étaient supprimées. La bambine décida de faire comprendre son mécontentement. Elle ne s'habillerait plus toute seule. Elle ne lacerait plus ses souliers. Tous les matins, avant d'aller en ville pour un "petit boulot de soudure", son père devait se baisser pour nouer ses noeuds.
- Voyons ma grande ! Tu savais les attacher cet été. Pourquoi ne le fais-tu plus ? Nous avons beaucoup de soucis. Ta maman attend un bébé. Ce n'est pas bien de faire un caprice.
Comment ! Même lui, son papa chéri, ne le comprenait pas. Elle était seule du matin au soir. Sans jouet. Sans occupation. Le jardinet était désert. Elle étouffait dans ce petit cabanon envahi d'affreux cartons.
Mémé essayait bien de lui consacrer tout son temps disponible. Mais la mère, absente jusqu'alors, l'accaparait par ses plaintes incessantes.
Elle vivait les derniers jours de son petit paradis, rythmés par les ballades au bosquet, les soirées belotes.
Adieu bonheur de l'innocence totale... de la prime enfance...
- Mais où est donc passée cette petite !
Blottie en haut du raide escalier, contre la porte du galetas fermé à clé où séchaient aulx et champignons, la récalcitrante fit la sourde oreille.
Son petit frère venait de prendre son biberon du matin. La soeur n'allait pas tarder à arriver avec son énorme sacoche cachant ses outils de torture.
La bambine ne voulait plus qu'on lui pique les fesses parce qu'elle avait mal à la gorge. N'avait pas faim. Elle préférait guérir au sirop. Les bleus récoltés après des semaines de visites biquotidiennes rendaient sa position assise trop douloureuse malgré la couverture pliée en guise de coussin.
- Nanette. Viens. Sois sage. Viens voir mémé. Ne m'oblige pas à monter te chercher. J'ai plus de 80 ans. Les escaliers me fatiguent. Sois sage. Descends. Tu sais ...le petit Jésus te voit. Tu lui fais de la peine...
Faire de la peine au petit Jésus !
Le petit Jésus de la crèche. Que le méchant roi avait voulu tuer. Le petit Jésus qui était venu apporter l'amour sur la terre...Que l'on avait cloué sur la Croix ! Ah ça non ! Elle ne voulait pas lui faire de la peine !
Elle descendit en courant.
Dans la petite cuisine-séjour-entrée de la vieille maison de village la soeur sortait ses boites en fer. Dans l'une elle choisit une aiguille. Dans une autre elle retira une seringue. Puis elle sortit une empoule d'une boite en carton.
L'aiguille gloutonne aspira le liquide. Recracha une gouttelette.
L'aiguille cruelle se tourna vers la patiente. Se pointa vers elle.
- Allez. Tourne-toi. Baisse ta culotte.
La voix machinale de la soeur la glaça. Comme à l'accoutumée elle se tourna. Livide.
Resta figée. L'aïeule s'assit. La courba sur ses genoux. L'infirmière chercha un certain temps une zone rose où se poser. Frotter son coton écoeurant imbibé d'éther.
- Il faudra demander au docteur s'il n'y a pas un autre traitement. Je ne sais plus où piquer.
La suppliciée se sentit revivre. Enfin une grande comprenant ses douleurs ! Immédiatement après la piqûre elle se releva. Remonta sa culotte. Prit la main tortionnaire. L'embrassa.
- Merci boucou...boucou !
Les dernières piqûres de la série, destinées à soigner angine-toux chroniques et petite anémie furent plus facilement acceptées. Une autre thérapie était annoncée. Dorénavant elle devrait souffler ou respirer dans un tuyau sortant d'une machine. L'exercice biquottidien était pénible mais pas aussi douloureux.
Deux années tristounettes s'écoulèrent. Elle voyait peu ses parents. Le bébé dormait tout le temps. Heureusement il y avait mémé !
L'aïeule la distrayait grâce aux croquis-dessins d'un vieux dictionnaire Larousse, aux trésors de formes-couleurs de la boite de boutons. Surtout par la rituelle promenade digestive de 13 heures.
Même en hiver. Le froid ne les empêchait pas de sortir. L'adulte couvrait bien son arrière-petite-fille du manteau qu'elle avait tiré d'un ancien de la mère. Lovait un cache-nez de sa confection autour du cou fragile. Enfonçait un bonnet sur le front. Puis, s'étant protégée à son tour, elles partaient. Après deux kilomètres de marche...Les Arquets. De vieilles voûtes en pierre présentaient un abri plein sud. L'une d'entre elles offrait le rafraîchissement d'une ancestrale fontaine du Moyen Age. Les mains jointes recueillaient patiemment le goutte-à-goutte qui abreuvait les bouches sèches.
- Tu as fait un voeu ? Tu sais que la fontaine est miraculeuse !
- Pour Saint-Pancrace !
- Tu peux aussi essayer les autres jours... Qui sait ?
La longue silhouette noire s'assaillait sur un châle étendu sur l'herbe sèche. La fillette cherchait des trésors...une fleur, un escargot, un quartz... L'adulte sortait son petit ouvrage d'une poche.. Alors Nanette regardait le jeu des cinq petites aiguilles sans bout qui fournissaient en chaussettes la maisonnée.
Certains jours la tricoteuse amenait un grand sac. Elaborait un châle. Initiait l'enfant aux rudiments du tricotage. Monter les mailles. Point mousse. Point jersey...
Lorsque le soleil commençait à tracer une ombre sous la voûte qui les abritait, les tricoteuses rangeaient l'ouvrage. Prenaient le chemin du retour. Soucieuse de rentrer avant la brise du soir.
Alors commençait un autre rituel.
L'arrière-grand-mère cherchait dans le placard quelques ingrédients pour le goûter. Nanette appréciait quand il était possible de se régaler avec du "pain perdu". Elle suivait attentivement tous les gestes de son icône noire. Tranches fines dans le quignon de la vieille miche. Bref passage dans l'assiette de lait. Deux tours rapides dans l'assiette présentant le jaune d'oeuf battu. Chant dans la poôle noire préchauffée sur la cuisinière. Même s'il n'y avait plus de sucre, la gourmande remerciait la fée qui lui offrait des tranches dorées restaurant leur force.
Parfois un "vin chaud" sucré, pompé par des mouillettes, les revigorait. Elle appréciait mois les "lait de poule"...
Quelque soit le choix dfe l'aïeule la petite suivait affectueusement admirative tous les gestes de sa mémé. Sa mémé ! Elle savait tout faire !
1. daniela le 07-03-2009 à 12:42:41 (site)
bisous a toi! j'avance doucement dans la lecture lol bon weekend
Commentaires
1. choupinette95 le 20-07-2008 à 16:36:12 (site)
salut juste un pettit coucou care je suis de passage sur ton blog si ta 5 minutes passe sur le mien et di moi ce ke ten pense
2. corentinette le 05-08-2008 à 17:24:15
sublime cette idée de roman ça tient en haleine tout au long je suis subjuguer ,j'ai moi aussi fais un blog ici sous le speudo corentinette/http://didounette et j'en ai un autre sur skyrock speudo misstitinette86 .bonne soirée bisou
3. cristalline le 14-12-2008 à 10:58:32 (site)
bonjour, et merci de ton passage ; je te souhaite une bonne journée
amitiés