Cette année-là Nanette apprit qu'il y a pire que la rentrée...la préparation de la rentrée ! Sa mère lui fit faire tous les magasins de chaussures de la grande ville. Essayer des souliers. Noter les prix. Revenir au "meilleur marché".
- Madame ?
- Je viens pour la paire de chaussures vue mardi dernier. Celle à vingt francs.
- Quel modèle ? Montrez-moi dans la vitrine....Toutes les paires de ce modèle ont été vendues.
- Avez-vous un modèle équivalent ?
- Asseyez-vous, je vais voir en réserve.
Elles s'assirent dans un coin. Le vendeur revint quelques minutes plus tard. Caché par une pile de boites. Essayages. Indication de prix. Veille de la rentrée. La mère devait faire un choix.
- Tiens-toi droite !...Vous n'auriez pas la taille au-dessus ?
- Mais, madame, regardez au contrôle visuel. C'est la bonne pointure.
- Je préfère la taille au-dessus. Elles doivent faire trois ans.
C'est ainsi que toute son enfance l'écolière fut mal chaussée.
La première année son pied s'élargissait-nageait dans ses souliers bourrés de coton.
La deuxième année le cuir avait pris une forme blessante.
La troisième année ses orteils se recourbaient douloureusement à la pointe de grole finissantes.
Cependant, raisonnable, Nanette comprenait très bien les problèmes financiers dont se plaignait continuellement sa mère. Ce qu'elle appréciait moins c'était d'être la seule écolière de la classe à être accoutrée d'une pèlerine sombre sombre. Toutes les autres avaient des imperméables avec de vraies manches. Leur corps était bien enveloppé. Leurs mouvements pas entravés.
(A suivre)