La petite fille se glissa hors de sa paillasse. S'appuya sur la cloison. Pencha la tête pour voir son héros. Le père était courbé sur une boite vitrée, lumineuse, de sa fabrication, crééé pour la copie rapide de croquis énigmatiques d'énormes moteurs de machines...
Ensuite, comme chaque soir, il recopiait sur un grand cahier cartonné les cours, griffonnés rapidement toute la journée, afin de capter toutes les paroles des maîtres. Ne rien perdre. Recopier aussitôt rentré à la maisoon pour ne rien oublier. Travail fastidieux, qui permettait une bonne mémorisation.
- Je t'ai vue Nanette ! Vas vite te coucher avant que je me lève te donner une fessée !
La voix chaude, affectueuse, contredisait la menace.
- J'y vais tout de suite !
Elle s'approcha. Un bisou rapide. Paillasse.
Finalement cela pouvait avoir des avantages de ne pas être dans la chambrette. Elle était plus près de lui.
Elle reprit ses pensées.
Qu'il était courageux ! Combien de fois entendait-elle les autres murmurer qu'il était fou ou prétentieux de vouloir retourner à l'école. A son âge ! Avec une femme et deux enfants à charge. Dans ces conditions...
A la maison, on se serrait encore plus la ceinture. Mais...elle était plus contente. Son papa était-là. Heureux d'apprendre. Malgré quelques soirées de doute ou d'appréhension... Apprendre. Découvrir. Faire par soi-même...
Elle bénissait-maudissait les trajets carton-de- pommes-de-terre et bonbonne mensuels.
Grâce à eux, le père pouvait étudier. Si les menus étaient monotones : pommes-de-terre sous toutes leurs possibilités, confiture de pastèque maison,.. pudding de pain rassis bourratif le dimanche....
L'atmosphère familiale était plus équilibrée...