Mémé dormait de plus en plus longuement les après-midi.
Avec la création d'un mini-barrage dans le vallon proche le climat changea perceptiblement.
Certes les administrés ne subissaient plus les coupures d'eau quotidienne de 9 heures à 18 heures, lors des périodes caniculaires ; mais une espèce de brume fit son apparition dans le beau ciel... auparavant si pur.
De purement méditerranéen sec et chaud l'été, l'air se tempéra.
Arrosages, irrigations des maraichers amenèrent de fréquents brouilllards matinaux.
Les aurores étaient moins belles.
Le frère, comme chaque été, était chez la grand-mère du nord ; afin que la mère se repose de son caractère turbulent.
Nanette devait toujours rester fidèle à son poste d'aide-ménagère.
Ces vacances-là, il s'agissait de s'organiser pour l'année scolaire. Inscriptions assurées, la mère entreprit de renouer avec ses amies d'enfance.
Ainsi, deux ou trois fois par semaine, au lieu de la sieste obligatoire, elles descendaient au village papoter en tricotant-cousant avec les commerçantes qui tenaient salon devant leur magasin, en attendant les clients.
Nanette préférait la marchande de journeaux-livres.
Souvent, pour lui éviter le "dérangement" elle servait à sa place. Le soir, gentiment, la papetière lui prêtait des revues, qu'elle rendait le lendemain.
La compliticité était renforcée par le fait que son fils avait le même âge. Qu'ils feraient leur communion Solennelle ensemble en mai.
Elle trouvait intéressant d'écouter les femmes parler.
Soit elles évoquaient leur jeunesse : danses dans l'association provençale, émois pendant la guerre..
Soit, elles se plaignaient du manque d'attention de leur mari...
Soit, elles trouvaient des excuses aux frasques de leurs fils. Mais, pas de quartier pour les filles !
Elle appréciait moins les critiques désobligeantes dans le dos de celles qui s'éclipsaient les premières. Ou sur les clients.
Elle ne comprenait pas bien ce fonctionnement chez les adultes.
On devait fréquenter les gens que l'on appréciait. Ou, au moins, ne pas critiquer, en leur absence, ses relations.
Les grands fils de ces dames lui proposaient de venir se promener avec eux et les demoiselles du village. Sa mère lui interdisait. Ils avaient 17/18 ans. Elle n'en avait pas douze ; même si elle semblait être de leur âge.
Elle passa donc de nombreuses après-midi avec les amies de sa mère.
Heureuse de lire, le soir, toutes les revues du magasin de celle qu'elle considéra bientôt comme sa "marraine de coeur".
L'année scolaire se déroula agréablement.
La maîtresse était très proche de ses élèves. Aimant les livres, elle ouvrait tous les jours la biblliothèque de la classe ; par ailleurs bien fournie en romans, poésies, fascicules.
Mais le curé du catéchisme ne plaisait pas à la brebis. Ce berger avait les mains drôlement baladeuses. L'obligeait à se mettre au premier rang. Toujours elle s'installait au second. Au milieu.
Le village se réveillait gaiement avec le retour du printemps.
La préparation des communions des enfants, amenait les restaurants à afficher leurs menus. Les deux photographes aguichaient les familles en exposant les photos de l'année précédente et en proposant divers rabais. Les loueurs ou prêteurs d'aubes se faisaient connaître.
La cérémonie se déroula sous un soleil radieux.
La foule des grands jours attendait à la sortie de l'office. Même ceux qui n'allaient jamais à l'église voulaient voir les enfants dans leurs habits de fête. Commentaient les tenues à la vue du cortège.
"Cette asperge...c'est la fille de qui ?". "Celui qui fait le pitre au 4ième rang...c'est bien le polisson de Jules ?" . " Tu te souviens quand il avait..."
La photo de groupe, prise devant la fontaine de la Cathédrale, dans la boite, les élus rejoignirent leur famille pour honorer le banquet familial.
Pour cette deuxième grande fête familiale, après le baptême, les familles se réunissaient au grand complet. Parrain, marraine, grands-parents, cousins étaient conviés.
Le père avait pu obtenir une semaine de congé...
Quel bonheur de l'avoir cette fois-là !
Il n'était pas venu à la messe "Croyant, mais pas pratiquant !" disait-il. Lui, qui avait été enfant de choeur dans son enfance et vouait un culte à son maître d'études : un prêtre défroqué.
Cependant, il n'avait pas chômé pendant le temps des prières. Il s'était occupé de préparer tout le repas. D'élaborer les coktails.
Bientôt tous se retrouvèrent dans la cuisine.
Au coude à coude. Des sardines en boite.
Il fallu ouvrir la porte-vitrée par aérer.
La communiante n'avait jamais vu autant de monde. De joie. De victuailles. De rires.
D'anecddotes de plus en plus bruyantes...
L'apéritif déliant les langues et les inhibitions de ceux qui se connaissaient pas encore.
L'émotion fut à son comble quand le parrain de la mère, inspecteur des contributions indirectes, ne voulut pas croire que le vin servi avec les rôtis était l'oeuvre du grand-père.
Le vigneron provençal, plus ravi que le Ravi de la crèche, répétait :
- "Mais non. Ce n'est pas un Côte du Rhône. Ce sont des bouteilles de ma récolte de 1947 ...que j'avais réservées pour les grandes occasions concernant ma petite-fille, qui est née ce-jour-là"...
Il était plus fier qu'un pape !
Commentaires
1. Lakma le 11-09-2008 à 11:38:50
j'en suis là, à bientôt