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Sabina avait beaucoup de peine à remonter le courant de la foule patientant dans les couloirs menant aux studios...Elle décida d'emprunter un parcours connu des seuls initiés de la maison.

Bureaux traversés au pas de course. Brefs mais tonitruants saluts lancés à la volée. Sa nage zigzaguante lui valut de remonter au "timing"... Enfin les cabines des maqilleuses !

Elle arrêta sa course devant la pièce réservée au personnel.

- Bonsoir ! Quelqu'un peut-il s'occuper à m'améliorer la binette ? Je dois être sur le plateau dans 11 minutes.

- Tes confrères sont déjà prêts. Discutent avec Chrono.

- L'animateur est sur le plateau ?

- Non. Il vérifie le studio avant de permettre aux invités de s'installer. Tu me fais confiance pour le maquillage ?

- Comme tu le sens. Pourvu qu'il dissimule d'éventuelles taches d'adrénaline et soit discret.

- Ne bouge pas !

- Je voulais voir qui entrait.

- C'était notre esthéticienne vedette ! Coup de vent. Entrée-sortie. Furax ! Elle devait maquiller les deux candidats. Le Président est arrivé pomponné par ses services de l'Elysée !

- Elle a maquillé le challenger. Quelle importance. Peut-être pour le Chef de l'Etat. Il a perdu une voix !...Merci. J'y cours.

- Tu as encore cinq minutes. Ne t'essouffle pas...et merdum !

- Tu es gentille !

Le vaste studio,

froid théâtre plongé dans l'obscurité, encerclé d'échaffaudages métalliques, offrait une couronne de spectateurs à la scène inondée par des projecteurs puissants.

Ses collègues discutaient, debout devant leur chaise, dans la zone d'attente qui leur était réservée ; à droite d'un bureau futuriste entouré de quatre fauteuils.

Chrono, à voix basse, donnait ses dernières explications et recommandations aux deux candidats. L'ordre des interwieuvers avait été tiré au sort lors de la dernière réunion de préparation.

Pour elle, c'était le dernier numéro. Sans mot dire elle s'assit sur un des sièges réservés à la lisière de la zone éclairée, suivies des deux journalistes qui la précéderaient.

Brusquement une sonnerie retentit.
Les candidats à l'élection présidentielle, invités par Chrono à rejoindre leur siège.

Les présentations furent très courtoises. L'énoncé de l'organisation du débat très bref.

-  Messieurs, avant de donner la parole aux journalistes chargés de vous interroger, je voudrais resituer le climat dans lequel comence cette nouvelle campagne présidentielle.

Ca va mal. Très mal !

Après des années "d'affaires" :

- Kracs dans les miieux spéculatifs, en apnée dans le eaux troubles des bourses mondiales ;

- Grandes entreprises internationales privatisées à l'étranger par leur gouvernment, des milliards de pertes sèches...;

- 140 millions de chômeurs en Europe, secouée d'émeutes sanglantes sporadiques ;

La France a du mal à se remettre, péniblement, de tragiques épreuves nationales intervenues voilà plusieurs mois...

Messieurs, quatre journalistes vous interpelleront sur quatre thèmes :

l'Europe, la mondialisation , l'Etat, la famille.

D'abord interviendra Ulysse Vert, spécialiste des affaires européennes. Ensuite Jo Baffray, envoyé spécial à Antenne 2. Puis Guy compte, chroniqueur à la revue Capital. Enfin Sabina, journaliste indépendante-écrivain.

Je vous en prie Monsieur Vert....venez nous rejoindre.

Sabina regarda Ulysse avec un sourire d'encouragement.

Il quitta sagement sa posture de santon, planté à quelques mètres de la zone éclairée, et s'avança main tendue vers les contradicteurs.

Politesse usuelles ...Puis les quatre acteurs du premier acte échangèrent un sourire tendu. Inspirèrent profondément. Le questionneur attaqua d'emblée.

- Messieurs, vous êtes tous  les deux pour RELANCER l'EUROPE...aujourd'hui déchirée...comme la majorité de nos concitoyens...

Mais quelle Europe ?

Vos opinions ont flutué ces dernières années à tel point que les français ne savent plus très bien, dans la mesure où à l'intérieur de vos partis les avis sont très différents, la voie que vous incarnez.

L'Europe de Maastricht sombre dans la cacophonie. Voire le chaos.

Vous n'avez pas tenu compte des observateurs qui prévoyaient une Communauté à plusieurs vitesses.

Le Traité de Maastricht,

mal conçu, mal discuté, mal ficelé, trop rapidement signé, sans garantie suffisante pour les peuples qu'il est sensé pérenniser...

voit les germes, prévisibles, de la désunion se développer...

- L'euro...

avec  la Grande Bretagne qui refuse l'intégration monétaire

L'élargissement

avec les peuples qui sont très attachés à ce que le mouvement se fasse au rythme d'une réelle intégration préalable...

Le déficit démocratique...

une des principales raisons du désamour des européens envers le continent...

Ces trois dossiers majeurs...mettent en évidence la plus grande erreur politique de cette époque : la désertion du politique du champ de bataille de la conquête de l'Humanisme ...

A cause de quelques technocrates phagocytés par les spéculateurs apatrides... véritables Dragons apocalyptiques...

Requins dont on a pu vérifier qu'ils n'ont ni Pays, ni Nation , ni Loi.

Oui ! Messieurs ces missionnaires du profit :

- n' ont pas de pays, leurs sociétés sont devenues fictives et voyagent au gré de la bourse

- n'ont pas de Nation, chez eux aussi des compatriotes abandonnés misérablement

- n'ont pas de loi

(fraudés les services fiscaux, bafouée la sécurité de la santé-des produits - ingnorés les règles d'une concurrence loyale dans le respect de la Déclaration Universelle des Droits de l'HOmme)

Votre ou vos questions Monsieur VERT...

Un silence s'appesantit sur le studio.

Visiblement aucun des deux protagonistes ne se bousculait au micro pour répondre.

Désigné d'un geste de la main par l'arbitre, le Président se lança dans le périlleux exercice de défendre l'indéfendable, tout en critiquant les lacunes du système.

Le postulant à la fonction reprit plus incisif et critique. Il n'était pas "aux affaires" durant la période incriminée. Néanmoins ne se glorifia-t-il pas trop en profitant d'un tel avantage.

Sabina fixait le cercle lumineux du plateau où visiblement embarrassés les deux élus ne se disputaient pas la parole...

N'éclairaient pas le débat...Pourquoi si peu d'implication de la part de ces chefs de partis ?

Parce que, comme dit Capitant :

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Un parti, c'est une machine à penser en commun, en groupe, par ordre, où l'on a prêté serment à son chef : c'est-à-dire la mort de la pensée"

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Le parti des conducteurs de l'Europe, serait-ce la Technocratie ?

Cette nouvelle race de fonctionnaires, dont Coluche ricanait :

" Mon père disait : tu leur donnerais le Sahara ; quatre ans plus tard faudrait acheter du sable ailleurs "!

Ceux de l'Europe auraient-ils mis un  quart de siècle pour détruire deux mille ans d'élaboration de Nations courageuses, besogneuses, solidaires, instruites, prospères ?

La technocratie régnante ...c'est la mort du politique, de l'organisation juste et cohérente, du gouvernement :

                 " Du peuple, pour le peuple, par le peuple"

en république démocratique et sociale.

Et mort de la Civilisation,  puisque les technocrates, livrés à eux-mêmes choisissaient une nouvelle divinité :

                             LA MONDIALISATION !

Ulysse gêné, n'osait plus relancer la question.