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-  Tu habites la même rue que moi. On peut faire le chemin ensemble. Ca paraîtra moins long.

-  Si tu veux.

Nanette n'osait pas s'imposer, mais était toute contente de la propostion de cette jolie brunette qui fréquentait son collège.

-  Tu es en 6ième aussi ?

-  Oui.

-  Sympa ton prof principal ?

-  Bog !

Elles prirent l'habitude de s'attendre pour l'aller-retour. S'engaillardir pour traverser ensemble les passages cloutés méprisés par les autos ; le grand carrefour dangereux de la Porte-d'Aix. Commenter les remarques d'ados du lycée qui faisaient chaque jour le chemin en sens inverse.

-  B.B. et la Rousse ! Alors, mesdemoiselles...on sort ensemble dimanche ?!

-  Avance. Ne les regarde pas. Réponds pas.  Nanette était offusquée par ces interpellations criardes d'inconnus.

-  Tous mes dimanches sont pris !  Répliqua en riant Lisette

L'une répondait. L'autre détournait la tête en rougissant. Toutes deux continuaient leur chemin. Les garçons poursuivaient leurs remarques en se moquant et poursuivant le leur.

Grâce à l'ascenseur certaines familles firent connaissance.

Certes 90% des voisins s'ignoraient.

Cependant des relations cordiales naquirent. Encore une pratique nouvelle pour la collégienne.

La mère sympathisa avec la voisine, croisée dans le local du vide-ordures.

Elles se rendirent de menus dépannages : sel, pain...

Nanette devint la coqueluche des deux petites voisines du onzième, souvent rencontrées dans l'ascenseur.

Parfois leur maman lui demandait de les garder ; le temps d'aller chez le crémier ou le boucher, qui avaient boutique au fond de la rue.

Finalement elles prirent l'habitude de venir la chercher le jeudi après-midi pour regarder "la piste aux étoiles" ou "Ivanhoé"...

Petits moments de bonheur précieux, ses premiers contacts avec la télévision.

Souvent, lorsqu'elles étaient toutes les trois devant l'écran, leur mère montait un étage pour discuter avec la femme du navigateur.

La petite appuyait sa tête contre la poitrine de Nanette. Bien calée sur ses genoux, elle suçait l'index et le majeur de sa main gauche et se chauffait l'autre sous le pull de l'adolescente.

Ainsi rassurée, elle s'endormait souvent, sous le regard attendri de sa grande soeur.

La séance télévisuelle terminée, l'aînée l'entrainait dans sa chambre pour lui remettre quelques livres.

Nanette bénéficia ainsi du prêt de toute la bibliothèque de cette famille plus aisée.

Avec le Mistral l'hiver semblait polaire et taquin.

Certains passages du quartier posaient problèmes aux habitants. Servaient de boite à gags pour les patients derrière leurs rideaux. Perte de chapeau. Jupe sur le nez. Marche arrière...Voire chute.

Mais, même ces jours de grand froid la collégienne accomplissait son acte secret.

Dès la porte de l'ascenseur refermée, elle enlevait ses chaussettes. Laissant ses jambes nues ; teintées au thé fort. Toutes ses copines avaient des bas. Sa mère ne se décidait pas en lui en acheter. Trop cher. Peu de durabilité.

Le Mistral mordait ses chevilles. Ses mollets. Rougissait, bleuissait sa chair. Cependant, devant l'étonnement des filles, elle affirmait ne pas avoir froid.

Il était souvent plus difficile de remettere ses chaussettes au retour.

Elle devait trouver des prétextes pour laisser passer les locataires qui attendaient. Il lui fallati être seule dans la cabine pour l'opération inverse à celle du matin.

Elle quitta l'ascenseur avec soulagement.

La porte se referma doucement.

Ouf ! Il avait été réparé ! Voilà cinq jours que quatre fois par jour elle haletait en grimpant les douze étages.

Ah c'est merveilleurx d'être au dernier ! Quelle vue ! Moins de bruit...Mais quend la machine est en panne...Ceux du premier se marrent !

- Nanette, maman ne sera pas là ce-soir. Nous partioons la rejoindre demain matin. Mémé est morte. Faudra être gentille avec ta maman. Elle a beaucoup de peine.

Elle se figea. S'appliqua à rester pencher sur son problème de physique. Sa vision se brouilla. Elle serra les dents. Le père referma la porte pour s'occuper du frère qui appelait.

Pourquoi ?!  Pourquoi sa mémé !  Il y avait tant de gens méchants sur terre...

Pourquoi elle !

Soudain elle se reprocha d'avoir été si méchante...Quand elle descendait le matin sur la pointe des pieds pour ne pas venir assitôt...Mais voir, avant, le soleil se lever...

Elle aurait dû être plus gentille.

Mais comment maintenant lui prouver qu'elle l'aimait tant !

En quelques secondes elle ne fut plus que remords. Torturée par sa petite feinte du matin...

Une foule de vieux, de vieilles, vêtus de noir, s'agglutinaient dans la rue.

Une queue se formait dans les escaliers du perron.

Une petite table noire siégeait sur le balcon. Les gens signaient le registre de condoléances.

La plupart repartaient aussitôt.

Les autres entraient. La petite cuisine était bondée de fantômes sombres entourant un cercueil en chêne, capitonné de satin violet.

Elle était là. Soudain petite. Maigre. Ossue. Bleue...

Comme un cierge humain le grand-père était debout, près d'elle, décomposé.

- Tu crois qu'il est assez beau ?

Il caressait timidement la tête ouvragée du coffre épais et brillant de laque...

De lourdes larmes coulaient le long de ses joues ridées...C'était la première fois que Nanette le voyait pleurer. Ce fut la seule.