- Zut ! Papa, les voisines sont sur le seuil de la porte...
- Quelle importance. Fait comme s'il n'y avait personne.
- Il est cocu le marin...Ya que des cocus dans la marine !
Les harpies criaient en riant. Haranguant les passants, qui continuaient leur trajet. Réprobateurs.
Nanette lâcha le bras de son père. Passa devant sur le petit trottoir. S'arrêta devant le bide énorme d'une matrone grimaçante.
- Pardon madame ; voulez-vous dégager le passage.
- Il est cocu l'officier !
Le père posa doucement sa main sur l'épaule frêle de l'enfant.
Ils étaient là . Face à face. une masse de chair vociférante sur le seuil. Un père et sa fille sur l'étroit trottoir, sollicitant le dégagement.
Soudain : silence. Puis la mère s'effaçant lentement, sa fille cracha au visage de l'homme en giclant son venin d'injures.
La salive émulsionnée coulait lentement du coin de l'oeil sur la joue.
La main de l'homme la racla posément. L'essuya sur la joue de la fautive, qui faillit s'en étrangler de stupeur ! La vieille fille acariâtre hurla au scandale. Un homme venait de la battre ! La gifler !
Les outragés montèrent au logis.
Le père déclara l'incident clos. La soirée se déroula comme à l'accoutumée.
Nanette eut beaucoup de mal à trouver le sommeil. Elle n'avait jamais reçu de gifle.
Une seule fois son père, qui avait dû donner une fessée au petit, lui avait attribué la même punition " pour qu'il n'y ait pas de jaloux"...
Une seule fois. Et il avait eu des remords, plusieurs jours, en voyant sa main bleue sur la fesse de l'enfant. Il y avait longtemps...
Aujourd'hui, on lui avait craché au visage !
Quelle horreur ! Et ces injures ! Quelles folles ! Vivement qu'ils déménagent !