Les escales étaient régulières. Nombreuses. Brèves : un jour.
Sauf quand il y avait des avaries. Elle aimait bien les avaries ! Il restait une semaine entière. Parfois deux. Alors il s'agissait d'être bien en grâce pour l'accompagner les jours sans classe, ni scoutisme.
Ils partaient le matin. Tôt. Piétibus. Trolley. Sacrifiaient au rituel du contrôle douanier. Re-piétibus en faisant du slalom entre les piles de marchandises déchargées sur des kilomètres de quais de la zone portuaire.
Enfin la passerelle. Là, elle avait souvent de l'appréhension, devant la rigidité relative de la rampe d'accès. Surtout si le Mistral taquinait les planches, en les projetant-éloignant
de la coque.
Quel soulagement de poser les pieds sur le premier pont ! Ouf ! Elle avait une peur bleue chaque fois pendant les quelques minutes de la grimpette. Ne pas regarder en bas pour éviter le vertige ! Ne pas tomber...
Elle ne savait pas nager.
Elle avait bien obtenu, voilà deux ans, comme toutes les élèves du CE2, son certificat du
"90 mètres brasse"...Mais il avait fallu pour cela que le moniteur lui lance un gentil coup de pied aux fesses pour qu' elle plonge du bord du vallon des Aufes.
A ses yeux, elle ne savait pas nager.
Elle avait peur dès qu'elle savait qu'elle n'avait pas pied !
Elle aimait la mer. Etre au bord de la mer. Rêver au bord de la mer..
Mais pas dans...Elle paniquait.
Sa mère s'était pire.
Une peur incontrôlable la saisissait à l'approche de l'eau. Impossible de lui faire tremper les pieds le long d'une plage. Elle s'éloignait au maximum de la mer lorsqu'elle devait contourner le Vieux port. Elle se sentait "attirée" par la masse liquide.
Le père n'arrivait pas à éradiquer cette phobie.
Même en répétant qu'un corps flotte. Que son moniteur s'était fait attacher et jeter à la baille pour le prouver. Il suffisait de ne pas paniquer. Avec la frousse on avale de l'eau.
La terreur vient. On coule. Facile à dire...
Pourtant c'était en faisant "la planche" pendant des heures qu'il avait pu être récupéré, lors de la dernière guerre, quand son contre-torpilleur avait coulé...
Des heures avant qu'un bâtiment américain récupère tous les naufragés...tout en tirant des balles pour que les requins, attirés par le sang ....les épargnent...