Pourquoi vivait-on ?
Sa mémé était loin. Paralysée.
Son papa n'apparaissait que de temps en temps.
A l'école elle n'avait pas d'amie, étant trop mal habillée.
Sa mère s'occupait à calmer son petit frère , afin qu'il ne fasse pas de bruit. Sinon ...gare aux voisines ! Ces voisines qui montaient le soir pour ricaner derrière leur porte ou jeter des bassines d'eau sale dans l'appartement. Eau de leur vaisselle ou de leur lessive qu'il fallait essuyer...
Cette évocation mentale tira tout de même un sourire à l'esseulée...
La dernière fois que les harpies s'étaient autorisées ces malveillances, en présence du père, il avait répliqué.
- Ah ! Vous aimez jouer avec l'eau ! Eh bien grognasses, régalez-vous ! Sachez que l'eau descend la pente !
Il avait refoulé d'un coup de balai rageur toute leur bassinée savonneuse. Rajouté plusieurs marmites d'eau du robinet. Inondées de quelques centimètres les trois pouffiasses avaient hurlé au scandale. Ecopé. Versé des seaux de liquide dans le caniveau. Essayé d'ameuter les rares passants. Des habitants des maisonnettes adjacentes qui méprisaient ces harengères.
Lors de l'escale suivante, père et mère prirent la décision de l'inscrire au patronage.
Elle prit donc l'habitude, surveillée de la fenêtre par sa mère, d'aller tous les jeudis et samedis après-midi, dans la cour de l'ancienne savonnerie récupérée par une église adjacente. Là, elle retrouvait des filles de toutes les écoles du quartier. Elles jouaient. Ecoutaient les histoires d'une catéchèse. Suprême bonheur, si elles avaient été sages, la gardienne prévenait un prêtre qui leur faisait une séance de cinéma.
(A suivre)