Hélas son instinct maternel fut rapidement éprouvé ! Dès le lendemain, voulant laver sa fille après sa toilette personnelle...Elle assista, impuissante, à l'évanouissement mortel des pieds...dans la bassine d'eau chaude savonneuse...
Ce fut son premier et dernier sapin. Le seul Noël décoré de son enfance.
Cet hiver-là, l'associé de l'atelier de réparations mécaniques partit avec la caisse.
Le père, qui avait quitté la Royale, (où il s'était engagé afin d'éviter le STO en Allemagne), sur la demande de sa jeune épouse, (alors qu'il aurait souhaité y faire carrière), fut contraint d'accepter un emploi de chauffeur-graisseur sur un cargo.
La mère et les deux petits le suivirent au port d'attache.
Déchirement ! Mémé ne pouvait pas venir !
L'appartement ne comptait que deux minuscules piécettes.
Dès le début Nanette n'aima pas la ville.
Trop de bruits. Trop de monde. Trop de clochards dormant dans les rues sales...Et cette odeur acre. Tenace. Suffoquant les habitants de la rue où dominaient encore les vestiges de l'ancienne savonnerie.
S'il y avait mémé !
Elle l'emmènerait au jardin du Pharo, voir la cariole trainée par le joli âne harnaché. Elles pourraient distribuer des miettes de pain aux pigeons. Surtout elles admireraient l'immensité bleue. Changeante. Mouvante. La mer. Scintillante. Chantante. La Méditerranée...Cruelle qui retenait son papa !
Mais...pas cette présence réconfortante. Pas ces ballades espérées. L'exigüité d'un logis de 20 m2. Une piécette où vivre sans pouvoir circuler. Une autre où dormait mère-fils et père quand il était présent. Elle, elle dormait sur une paillasse casée dans un recoin du sas les séparant où était la porte d'entrée..