- Et j'en ai d'autres ! Nous aurons d'excellentes rôties pour le réveillon de Noël.
- Assassin ! T'es assassin ! Tueur de p'tits z'oiseaux !
Le rire tonitruant du grand père ébranla les fines vitres de la pièce. Sa petite-fille le grondait toujours quand il attrapait des moineaux, des grives...Mais elle se régalait avec les rôties. En redemandait. Idem pour le civet de lièvre ! Fallait-il refuser quand St Hubert avait permis d'agrémenter l'ordinaire du dimanche par ces gibiers préparés savamment par l'aïeule. Festin auquel était convié le copain de chasse de la même "classe", qui l'accompagnait au cas où il aurait un problème respiratoire.
- T'as vu l'arbre ?
- Oh oui. Il est beau ! Répondit-il en s'assaillant ; après avoir rangé sa chasse dans le garde-manger de la réserve. Viens sur mes genoux. Alors ?
qu'as-tu demandé au père Noël ?
- Sais pas. Sais jamais ce qu'il apportera. S'il aura le temps de venir ici. L'année dernière il a rien apporté. P't- être parc' qu'il y a un tuyau de poêle dans la cheminée ?
Le grand-père sourit tristement.
C'était leur lot à eux. Tous les petits paysans. Petits salariés d'après-guerre.
Les deux jours avant Noël parurent interminables. Nanette passait des heures à rêver devant son premier sapin. Dormait le petit frère.
L'aïeule tentait de la faire patienter. Lui répétait quelques rudiments de Provençal en cachette. Lui rappelait quelques chants de circonstance.
"Mon beau sapin, roi des forêts, que j'aime ta verdure...
"Dans une boite en carton, sommeillent les petits santons. Le berger, le rémouleur...
" De bon matin j'ai rencontré le train de trois grands rois qui étaient en voyage...
Les chansons étaient claironnées en Provençal...puis subitement en français quand quelqu'un arrivait. Il était interdit aux anciens de parler la langue originale.
- Voilà tes souliers cirés Nanette. Pose les au pied du sapin. Vas vite au lit.
(A suivre)